CHAPITRE III - Le style
La question du style est particulièrement intéressante dans le contexte du passage d'une langue à une autre. Surtout quand la langue-source est un latin si developpé et si riche (grâce au travail des générations des écrivains et orateurs d'un niveau tellement élevé et rarement atteint dans l'histoire des autres langues) et la langue-cible est un français tout jeune, peu developpé, encore relativement pauvre en production littéraire et surtout en genre oratoire [1] . M. Zink décrit très bien la langue des sermons français de l'époque: "On est souvent frappé à la lecture des sermons romans par leur ton uni, monocorde, appliqué, un ton d'enfant qui récite sa leçon (...) Sans doute cette simplicité est-elle le fruit de l'ignorance ou de la maladresse dans le maniement de la jeune langue romane, mais le résultat en est parfois un style pure et dépouillé qui n'est pas désagréable et auquel sa nudité même donne une certaine vigueur." [2]
Mais il semble que cette relative pauvreté et simplicité sont des charactéristiques qui servent bien l'adaptateur. Son but est en fait de rendre les sermons plus accéssibles aux simples gens. Il va donc souvent renoncer aux complexes et savantes tournures latines typiques pour un discours indirect, il va gloser des passages difficiles de l'Évangile et expliquer aux fidèles certains détails incompréhensibles pour eux; il va se servir non seulement de la langue, mais aussi de la culture contemporaine pour rendre des éléments de la réalité biblique plus vifs.
1) discours direct
Le sujet présente plusieurs cas de figure. Tout d'abord, on trouve dans le texte français des passages qui correspondent parfaitement au texte latin. Puis, la version latine peut contenir des exemples du discours direct, que le texte français omet. Ainsi dans le sermon pour le premier dimanche du Carême Maurice de Sully s'est servi du discours direct pour dépeindre l'attitude d'une personne qui compte sur ses bonnes actions pour gagner de l'indulgence pour ses péchés:
27 Nemo itaque se seducat. 28Nemo dicat: 29Si cotidie uel fornicando, uel ad usuram commodando uel alio quodam modo legem dei transgrediendo pecco, ego econtra cotidie benefacio et bonum quod facio superabit malum quod ago. (T19, 27)
En revanche, en insérant dans ce même sermon des propos sur la confession, l'adaptateur a donné la forme du discours direct à un court passage emprunté du troisième sermon latin du Carême qui cependant a la forme du discours indirect:
7 Il i a de tels qui vuelent metre esonie en lor pecié, e dire: 8"Sire, jo n'en puis mais, jo sui en tele compaignie que jo ne m'en puis garder ne tenir de cest mesfait faire", e par ço vuelent dauber e dorer lor pecié. (T19, 7)
Cette image developpe une idée exprimée avec plus de concision par Maurice de Sully:
28 Non enim debetis, sicut quidam solent facere, uestra peccata excusando dealbare, uel deaurare, sed magis incusando deturpare; (T21, 28)
Les excuses qu'un pénitent peut trouver lors de la confession ont été présentées en forme d'une citation: "je suis dans une telle compagnie, que je ne peux pas me garder de ne pas faire ce mal". L'idée que quelqu'un puisse s'excuser par la compagnie dans laquelle il passe son temps, est tout à fait originale et ne se trouve nulle part dans le texte latin.
Un autre exemple du discours direct dans le sermon français pour le premier dimanche du Carême est lié avec l'exhortation à suivre l'exemple de Jésus quand on est tenté par le diable. Le chrétien subissant les tentations doit dire:
29 <Va, Sathana! 30Jo n'en fraindrai mie ma geüne, ne jo ne mangerai mie ne ne bueverai trop, ne rien ne ferai que tu m'amonestes; mais jo geünerai, jo travaillerai ma car, jo crierai merci a Deu, jo ferai aumosnes por mes peciés raiembre.> (T19, 29)
Dans le sermon pour le deuxième dimanche du Carême Maurice de Sully, lors de l'exposition de l'Évangile, reprend le dialogue entre le Christ et Ses apôtres en lui donnant la forme du discours indirect:
10 Sed cum dominus non nisi propter Israel in mundum se uenisse responderet (T20, 10)
L'auteur de la version française, répéte au même endroit, le dicours direct tel, qu'il se trouve dans l'Écriture:
9 Lors respondi Nostre Sire as apostres, e si lor dist: 10"Ge ne sui mie" fist il "envoiés s'as oëilles non de la maison Israel qui perirent"<ço est a dire: 11Mes Pere del ciel, qui promist le Salveor al pueple Israel, m'a envoié en terre por ensengnier e por bien faire, maiesmement al puple Israel, por acomplir la promesse qu'il li fist.> (T19, 9-11)
Ce qui y semble particulièrement intéressant c'est le fait que même dans la glose paraphrastique [3] il se tient toujours au discours direct.
Dans le sermon pour le cinquième dimanche il y a - aussi bien dans la version latine que vernaculaire - un passage particulier. Le prédicateur nous y présente les hommes qui s'opposent à des homélies qu'ils considèrent trop longues. De tels hommes osent interrompre le prédicateur et lui reprocher son bavardage:
8 Tota die - inquiunt - praedicare uultis et sermone diem detinetis. 9ite pro deo et inceptum seruitium perficite quia ad nostra negotia habemus exire. (T23, 8)
Rien d'étonnant que l'adaptateur a pris soin de traduire ce fragment du discours direct, tellement savoureux:
7 "Sire", font il, "trop parlés, trop nos tenez ici, faites le service, si nos laissiés aler en nos besonnes." (T23, 7)
Au premier coup d'oeil la phrase française semble être une traduction fidèle de la phrase latine. Il faut cependant souligner, qu'en face de deux phrases complexes, dont une contient deux propositions coordonnées, et l'autre une proposition subordonnée causale, nous avons une phrase avec plusieurs propositions non liées les unes aux autres. Face à la syntaxe classique, hypotactique nous avons une parataxe, qui contribue à la vivacité des propos ressemblant plus, de ce fait à la langue parlée.
2) apostrophe
Le style des sermons français souvent semble plus proche de la langue parlée, mais aussi il prend plus en compte la réalité contemporaine. On le voit très bien dans la forme des apostrophes.
Dans la version latine, il y a trois injonctions qui servent d'apostrophes: "dilectissimi", "carissimi" et "fratres" ("très aimés", "très chers" et "frères"):
3 Hodie, dilectissimi fratres (T19, 3)
25 Ecce, carissimi, quomodo Niniuitae misericordiam a domino meruerunt (T19, 25)
4 Hodie, fratres, (T20, 4)
22 Audistis, dilectissimi, (T20, 22)
31 Et uos, dilectissimi nobis (T20, 31)
20 Et quia, carissimi, tanta hodierni euangelii miracla audistis (T21, 20)
4 In hodierna sancti euangelii lectione, carissimi, quoddam gloriosum miraculum modo fuit recitatum (T22, 4)
20 Ecce, carissimi, mirabile et gloriosum miraculum (T22, 20)
2 In hodierno euangelio, dilectissimi (T23, 2)
17 Nunc ergo, carissimi, ad uosmet ipsos quam totius respicite (T23, 17)
4 Per uniuersam ecclesiam, carissimi, (T24, 4)
11 hoc, fratres, sancto euangelista testante totum factum est ut prophetia antiquitatis de hoc praedicta impleatur (T24, 11)
21 Et hoc est causa, dilectissimi, et obseruantia processionis hodiernae (T24, 21)
Ces termes sont hérités de la tradition homilétique. Ils sont déjà employés dans les épîtres de saint Paul. L'auteur de la version française pouvait facilement les traduire, mais il leur a préféré d'autres apostrophes:
1Bones gens , (T19,1)
25 Ore bones gens, or covient que vos prenés garde de vos meismes en ceste sainte Quarentaine (T19, 25)
20Segnor , grans est li miracles (T20, 20)
3Segnor , grans est e bels li miracles (T21, 3)
9 Ore bones gens, (T21, 9)
17 <Segnor, par si grant miracle que vos avés oie, doit estre affermee nostre creance en Deu; (T22, 17)
30 <Segnor, aions faim e soif... (T22, 30)
5Segnor , en ceste parole poés oïr (T23, 5)
14 Ore bone gent, nos vos dison la parole Deu (T23, 14)
8 Ore, bones gens, gardés que vos le faciés ensi (T24, 8)
44 <Segnor, oïe avés la parole Deu, (T24, 44)
Au lieu de trois termes que présente la version latine, il n'y a que deux termes, bien différents. Ils ne se réfèrent pas à des sentiments, comme "très aimés" et "très chers", ni à l'idée traditionnellement chrétienne de la "fraternité". Ils se réfèrent plutôt à la qualité des auditeurs, qui sont ou bien "bonnes gens" (c'est à dire surtout des sujets loyaux), ou bien "seigneurs" - référence à leur position dans la hiérarchie sociale.
Ce choix de l'adaptateur est une preuve de plus de soin qu'il prend pour rendre ses sermons plus proches de la réalité médiévale.
3) explication
Le même souci est visible dans les nombreuses gloses insérées dans les sermons. Elles existent aussi bien dans le texte latin que dans le texte français, mais cependant quelques différences.
Au cours de son explication du péricope le prédicateur introduisait souvent d'importants renseignements historiques, géographiques ou archéologiques pour la meilleure compréhension du texte. Le procédé est bien connu des exégètes et appelé par G. Dahan "une glose explicative" [4]
Nous en trouvons des exemples dans le sermon pour le deuxième dimanche:
5 Hodiernum enim narrat euangelium quod cum dominus in partes Tyri et Sydonis ubi pagani tunc habitabant
Maurice de Sully, en commençant son explication du péricope sur la femme cananéenne, trouve judicieux de préciser tout au début, que la région de Tyr et Sydon était à l'époque du Christ habitée par les païens. Ce renseignement sera bien sûr important pour la signification du péricope. Dans la version vernaculaire l'adaptateur glose d'avantage:
1 Un glorios miracle nos reconte li evangiles d'ui, que Nostre Sire Deus fist en icel tens, que il ala corporelment par terre. 2Ce nos reconte li evangiles d'ui, que Nostre Sire Deus ala une fois el pais de deus cités qui furent ancienement apelees Tyr e Sydonie. (T20, 1)
La glose se concentre sur le temps et paraît tout à fait superflue: les fidèles doivent bien savoir que les récits évangéliques concernent l'époque, quand Jésus-Christ vivait parmi les hommes. La même remarque se trouve au début du sermon pour le troisième dimanche:
1 <Un glorios miracle nos raconte li evangiles d'ui, que Nostre Sire Deus fist en icele terre d'oltremer, en icel tens qu'il ala corporelment par terre. (T21, 1)
Mais l'adaptateur y rajoute encore une indication, géographique cette fois-ci. Il précise non seulement le temps, mais aussi le lieu, où les événements racontés se sont passés. C'était dans la "terre d'outremer", c'est à dire dans la région qui, au temps de Maurice de Sully était sous le pouvoir des chrétiens, sous celui du roi de Jérusalem.
Revenons cependant au sermon pour le deuxième dimanche. Maurice de Sully en parlant de la femme cananéenne précise qu'elle n'était pas du peuple élu:
mulier quaedam Cananea, id est, <non> de genere Israel sed de genere Canaan (T20, 5)
L'auteur de la version française n'a pas repris cette glose, mais il en a ajouté une autre. Après avoir relaté les paroles que la femme cananéenne a adressées à Jésus, il dit:
5 <Por ce l'apeloit ele fils de David, que il estoit corporelement del lignage al roi David.> (T20, 5)
Plus loin, en rapportant le dialogue entre le Christ et les apôtres, Maurice de Sully y insère une glose paraphrastique dont le but est de paraphraser les paroles des disciples:
8 Dimitte eam quia clamat post nos. 9Ac si dicerent: fac illi quod postulat, ut post nos clamare cesset et recedat. (T20, 8)
L'auteur du texte vernaculaire, au lieu d'introduire cette glose paraphrastique, prolonge les propos des apôtres:
7 Lores parlerent li apostele a Nostre Segnor, e si li disent: 8"Sire" fisent il "laisiés le aler, e faites li ço qu'ele vos prie, quar ele crie e fait noise apres nos".
Du coup, ce qui, dans l'original latin, était une intervention explicative du prédicateur, devient - dans la version française - une partie du dialogue évangélique. Un tel déplacement peut paraître abusif, mais en même temps il contribue à rendre la narration plus fluide.
Une glose paraphrastique apparaît plus loin dans le texte français, quand il s'agit d'expliquer les paroles de Jésus:
<ço est a dire: 11Mes Pere del ciel, qui promist le Salveor al pueple Israel, m'a envoié en terre por ensengnier e por bien faire, maiesmement al puple Israel (T20, 10-11)
Ici aussi l'explication est mise directement dans la bouche du Christ, mais l'expression "c'est à dire" sauve ce passage que l'on ne pourrait plus accuser d'être un abus. La suite du discours de Jésus est également glosée dans les deux versions:
13 Quasi diceret salus promissa est filiis Israel. 14Qui propter legem dei diuinitus acceptam filii sunt dei et ideo eis gratia debetur non uobis qui estis gentiles (T20, 13)
- c'est a dire, le bienfait des miracles, e la santé qu'il done as fils Israel, qui sont fil Deu en sa creance, ne doit il mie doner as paiens (T20, 15)
La traduction de la glose y est assez fidèle. Mais la version française rencherit encore en ajoutant une intérvention explicative du prédicateur:
16 Lores respondi la feme qui avoit le bone creance en Deu en son cuer (T20, 16).
Ici ce n'est plus une glose, mais une considération insérée dans la phrase. Avant de rapporter les paroles de la païenne et avant de les expliquer, le prédicateur prépare déjà ses ouailles à ce qui va suivre. Les propos de la femme témoigneront en fait de sa foi.
Le dernier exemple de la glose paraphrastique est aussi très intéressant. Dans la version latine l'explication du sens des paroles de la femme commence par les mots:
17 Quasi dicat: 18O domine (T20, 17-18)
ce qui, dans la traduction française donne:
- ço est a dire: 18Bels Sire Damesdeus (T20, 18)
De nouveau une apostrophe latine simple et héritée de l'époque classique a été remplaçée par une tournure typiquement médiévale. "Bels Sire" c'est le titre que l'on donnait aux nobles à cette époque, et "Damesdeus", venant de "domine Deus" est beaucoup plus fort que ce que disait en réalité la femme de l'Évangile. Elle parlait à un homme puissant, peut-être à un prophéte; elle ne pouvait vraiement réaliser qu'Il était Méssie, "Dieu fait homme". Dans la version vernaculaire ses paroles sont marquées par la même croyance qu'avaient les chrétiens au Moyen Âge. Le fait en lui même n'est pas surprenant. De tels anachronismes fonctionnaient à merveille dans les arts plastiques par exemple. Ce qui étonne c'est de voir cet anachronisme apparaître seulement dans le texte vernaculaire. C'est une preuve de plus du plus grand attachement de la version latine à la tradition.
En somme, dans le sermon latin il y a cinq explications insérées dans l'exposition de l'Évangile, tandis que la version française en compte sept.
Dans le sermon pour le quatrième dimanche nous trouvons un exemple de l'explication insérée dans l'exposition de l'Évangile. Il figure dans la version latine et dans la version vernaculaire:
7 quam interrogationem non interrogando sed temptando fecit prouida scilicet dispensatione... (T22, 7)
4 Ce dist il por lui tempter, e por lui demostrer qu'il n'avoit pas ferme creance de la poissance Nostre Segnor; (T22, 4)
Quelques gloses se trouvent dans le sermon des Rameaux. Expliquant pourquoi Jésus appelle Jérusalem "château" [5] , le prédicateur dit:
6Ite in castellum quod contra uos est , id est in ciuitatem Ierusalem, quam propter suam perfidiam et culpam non ciuitas sed castellum uocari dignatus est; (T24, 6)
La même explication figure dans le texte vernaculaire, sauf que cette fois-ci l'adaptateur ne l'a pas insérée dans la phrase de l'Évangile, mais l'a mise séparément dans une autre phrase, venant de lui-même tout suite après la citation scripturaire:
4 Nostre Sire Deus apela le cité de Jerusalem "castel" por li abaissier e avillier, (T24, 4)
Maurice de Sully a introduit encore une glose dans une citation supplémentaire empruntée à l'épître de saint Paul:
quam ipse dominus nunc abscondit diligentibus se bonum supernum, (uel suprimum) quod oculusnon uidit, auris non audiuit, nec in cor hominis ascendit, id est quod oculus uidere sicut est non potuit, nec auris audire, nec cor humanum cogitare. (T24, 43)
Puisque toute cette citation a été omise dans la version vernaculaire, il est évident que cette glose n'a pas pu s'y trouver.
Les explications que je viens de relever sont plus nombreuses dans le texte français que dans le texte latin. Les six sermons quadragésimaux en comptent 8 en latin et 11 en français.
4) comparaison
À la fin de ce chapître revenons encore à la question des comparaisons étudiée dans le chapître premier. Une des comparaisons y analysées est en fait très intéressante du point de vue du style.
Elle figure dans le sermon pour le troisième dimanche du Carême. La lecture évangélique prévue pour ce jour raconte la guérison d'un homme muet, possédé par le diable. Dans le texte français il est comparé aux mauvais chrétiens que le diable empêche de se confesser:
4 Cist hom de cui Nostre Sire jeta le diable, senefie les malvais crestiens cui diab[l]es porsiet, e en cui il regne par pecié...( T21, 4)
Dans la version latine la comparaison analogique présente d'importantes différences. Premièrement elle ne concerne pas la même lecture évangélique. Comme je l'ai déjà souligné plus haut, Maurice de Sully substitue à la lecture du jour le passage correspondant de l'Évangile de saint Matthieu. Le possédé-muet est donc devenu possédé-muet-aveugle. Ensuite, la manière d'introduire la comparaison est originale, soignée et très rhétorique:
10 Numquid enim non est caecus ille qui ea quae recta et pro salute aeterna sunt tantum agenda non cognoscit? 11et si cognoscit, nequiquam tamen agit? 12Numquid non mutus est qui peccata sua confiteri aut nescit, aut erubescit? 13aut si confitetur pro timore tamen dei uel amore ea relinquere et semet ipsum emendare contemnit? 14Numquid non est mutus qui ore deum quidem confitetur et honorat sed male uiuendo factis eum negat? (T21, 10-14)
À l'aide d'une série des questions rhétoriques l'auteur explique la signification du récit de l'Évangile. La cécité symbolise le manque du discernement quant au bien et au mal. Le mutisme - l'incapacité de se confesser ou même, celle de proclamer la foi en Dieu par les bonnes actions.
Mis à part la différence du passage évangélique expliqué dans le sermon latin et français, il est important de voir qu'à une comparaison rhétorique et très élaborée, l'adaptateur de la version vernaculaire préfère une comparaison beaucoup plus simple et plus littérale en même temps. Comme s'il prenait en compte le manque d'érudition de son auditoire. Il sait que les laïcs peuvent ne pas apprécier de longues figures stylistiques. Par contre il ne veut rien laisser inexpliqué. Les questions rhétoriques lui semblent trop ambiguës.
Le style de cette comparaison fait donc partie de tous ces procédés qu'emploie l'adaptateur pour rendre les sermons plus simples et plus efficaces.
[1] G. Constable (1994 : 133) critique le "nationalisme linguistique" de Lecoy de la Marche, qui a amené celui-ci (il n'était pas le seul, d'ailleurs) a parler de "pure French of thirteenth century, that rich, supple, logical French" (Lecoy de la Marche, 1886 : 258). Il est aujourd'hui évident que le grand historien français n'était pas libre des préjugés typiques pour son époque. Il suffit d'évoquer le travail de la Pléiade pour prouver que le français médiéval était une langue dépourvue de systématisation, qui est toujours l'oeuvre des philologues et grammairiens. Et quoique, au XIII siècle puisse-t-on parler déjà d'une certaine richesse de la langue que lui procure la grandissante production littéraire, ce n'est pas encore le cas au temps de Maurice de Sully, où l'oeuvre de Chrétien de Troyes est une nouveauté. D'ailleur la langue poétique ne pouvait servir les visées d'un prédicateur que dans une mesure très limitée.
[2] M. Zink, 1976 : 263.
[3] "Je distinguerai, à un niveau global, trois types de gloses, constitutives du commentaire médiéval: la glose paraphrastique, la glose explicative et la glose questionnante. (...) Le premier type de glose correspond à (...) littera au sens strict (...). Id est, scilicet, et, au XIII siècle, quasi diceret signalent ce type de glose. La glose explicative est au niveau du sensus: elle ajoute une définition, une précision géographique, historique ou archéologique." (G. Dahan, 2000 : 217)
[4] "La glose explicative est au niveau du sensus: elle ajoute une définition, une précision géographique, historique ou archéologique" (G. Dahan, 2000 : p. 217)
[5] Le mot français "castel" n'a pas le sens du "château" du Moyen Âge, mais c'est plutôt un latinisme franicisé. Il a la même signification que "castellum" (diminutif de "castrum") latin, mot qui désignait un bourg provincial de petite importance, incomparable à une cité ("ciuitas").