Manuscrits de l’oeuvre de Jacques de Voragine à la bibliothèque universitaire d’Olomouc (CZ)

Olivier Marin (Maître de Conférence, Université Paris XIII)

Le catalogue de la bibliothèque universitaire d’Olomouc, édité à titre posthume en traduction allemande (M. Bohá?ek et F. ?áda, Beschreibung der mittelalterlichen Handschriften der Wissenschaftlichen Staastbibliothek von Olmütz, Cologne-Weimar-Vienne, 1994), donne la mesure du succès considérable qu’ont rencontré les sermons de Jacques de Voragine dans les régions les plus orientales de l’Empire. Sur les 400 manuscrits médiévaux décrits, une dizaine transmet l’une ou l’autre des collections homilétiques du dominicain, soit seules, soit farcies de sermons inauthentiques. Viennent en tête les Sermones de sanctis et les Sermones de tempore (5 manuscrits chacun), loin devant le Quadragesimale (1 manuscrit). Ces chiffres en font le prédicateur médiéval le plus diffusé en Moravie. Rançon de cette popularité, rares sont les copistes qui déclinent correctement son identité. Quand l’anonymat n’est pas de mise, son prénom est le plus souvent travesti en Jacobinus. Au total, un seul témoin prend soin de préciser son appartenance à l’ordre dominicain et son accession au siège archiépiscopal de Gênes (M II 132, n°264, p.475-6). D’un point de vue chronologique, la fortune de Voragine en terre morave s’est pourtant fait attendre : le plus ancien manuscrit remonte à 1354 (M I 233, n°57, p.125-126) ; tous les autres datent du XVe siècle, quand la chaire s’impose comme un outil de communication de masse. Encore remarquera-t-on que sa réception est loin de se limiter à un usage pastoral immédiat. Les possesseurs se révèlent être très majoritairement des maisons cartusiennes et plus rarement cisterciennes, dominicaines ou encore franciscaines de l’Observance, ce qui ne surprend pas dans une bibliothèque dont le noyau, de provenance jésuite, s’est enrichi sous Joseph II des fonds médiévaux des ordres contemplatifs. Aussi bien les sermons de Voragine sont-ils souvent associés à des traités de théologie ou de spiritualité (Sermons de saint Bernard, Breviloquium de saint Bonaventure, Livre des Sentences de Pierre Lombard), autant de best-sellers destinés à la lecture privée et/ou dévote ; la présence dans quelques manuscrits (M II 95, n°231, p.433-4 ; M II 225, n°332, p.580-1) de tables ou de registres destinés en faciliter la lecture achève de faire de ce vade-mecum de la prédication un classique de la littérature religieuse du temps.